Le "Scientifique IA" de Sakana AI vient de franchir une étape remarquable dans l'univers de l'intelligence artificielle. Leur système a réussi à générer un article scientifique qui répond aux critères d'acceptation d'une conférence reconnue en apprentissage automatique. C'est la première fois qu'une IA mène de façon autonome l'ensemble du processus de recherche scientifique.
Fondée par Llion Jones (co-auteur du célèbre article "Attention is All You Need") et David Ha, cette startup tokyoïte adopte une approche qui se démarque des géants de l'IA. Plutôt que de simplement augmenter la taille des modèles, Sakana AI s'inspire des principes d'évolution et d'adaptation – d'où leur nom qui signifie "poisson" en japonais.
Cette vision alternative a attiré un financement de série A de 100 millions de dollars et le soutien du gouvernement japonais. Leur approche pourrait représenter une voie plus durable dans le développement des technologies d'IA, particulièrement pertinente dans un contexte de pénurie de GPU.
Le "Scientifique IA" automatise l'ensemble du cycle de recherche en apprentissage automatique. Concrètement, le système:
- Formule des hypothèses originales comme de nouvelles techniques pour les modèles transformers
- Conçoit des protocoles expérimentaux pour tester ces hypothèses
- Écrit et exécute le code nécessaire aux expériences
- Analyse les résultats obtenus
- Rédige un article scientifique complet présentant ses découvertes
L'aspect économique est frappant: tout ce processus ne coûte que 15$ en ressources de calcul. Bien sûr, ce chiffre n'inclut pas les coûts initiaux de développement du système, qui sont probablement astronomiques.
Malgré des résultats prometteurs, le système présente certaines imperfections. Il commet notamment des erreurs de citation, attribuant incorrectement certaines références. Si j'avais eu un tel outil pour ma thèse, j'aurais peut-être fini plus rapidement, mais avec quelques citations inventées!
D'autres limitations sont à considérer. Ce système est spécifiquement conçu pour effectuer des recherches en apprentissage automatique, un domaine où les données sont abondantes. Son efficacité dans des domaines moins balisés reste à démontrer. De plus, son processus d'évaluation automatisé est moins rigoureux qu'une véritable revue par les pairs.
Cette avancée soulève plusieurs questions fondamentales:
- Comment évoluera le métier de chercheur scientifique face à l'automatisation?
- Comment garantir une évaluation objective des travaux produits par l'IA?
- La réduction des coûts pourrait-elle démocratiser l'accès à la recherche scientifique?
- Comment gérer les questions de propriété intellectuelle quand l'IA génère du contenu?
Comparé à d'autres projets comme AlphaFold de DeepMind qui se concentre sur un problème spécifique (le repliement des protéines), le "Scientifique IA" de Sakana vise à automatiser l'ensemble du processus de recherche, ce qui représente une ambition beaucoup plus large.
Cette innovation marque potentiellement le début d'une nouvelle ère dans la découverte scientifique. Les systèmes d'IA pourraient accélérer considérablement le rythme de l'innovation tout en permettant à des chercheurs disposant de ressources limitées de participer à la recherche de pointe.
Il est crucial que chercheurs et décideurs politiques collaborent pour développer des directives encadrant la recherche pilotée par l'IA. La question n'est plus de savoir si l'IA participera activement à la recherche scientifique, mais comment nous intégrerons ces capacités pour maximiser les bénéfices tout en minimisant les risques potentiels.